Tenir le fil du rêve

Danser est un rêve d’enfant qui m’a été révélé dans un souvenir.

J’avais douze ans. Je me souviens lors de cette colonie de vacances, avec mon partenaire, nous avons été élus « meilleurs danseurs » de la soirée. Cette fois-là, je crois que j’ai vécu une forme de transe dans mon corps. Une fièvre de joie avait gagné tout le monde. Un souvenir indélébile.

Dans le retour au quotidien, je n’ai pas suivi ce mouvement, faute sans doute à un environnement qui ne permettait pas de continuer à nourrir cette voie.

Une fois adulte, j’ai essuyé de nombreux cours de danse. Tous les genres y sont passés : contemporain, moderne, jazz, indien…J’y trouvais peu de plaisir. Je crois que c’est dû en partie à des difficultés d’apprentissage. J’étais plus lente que les autres pour intégrer. Aussi, je ne crois pas avoir vraiment le goût des formes répétées. C’est un peu comme l’apprentissage par cœur d’une poésie.  Cela fait sens à petite dose. Pourtant, j’ai continué d’y revenir. Je cherchais « le » cours de danse. Puis, j’ai pensé que ce n’était sans doute pas pour moi du fait que je n’entrais pas dans la case proposée par les différents enseignants.

J’ai ainsi traversé des déserts sans danse.

En 2015, suite à une profonde fatigue professionnelle, j’ai souhaité reconnecter ma vie professionnelle à mon rêve d’enfant. C’est en le dessinant avec ma main gauche que j’ai réalisé que la danse était toujours présente.

Quelques mois après cela, j’ai réalisé une performance « Je danse le rêve » en janvier 2016, suite à un échange avec un conseiller mandaté par Pôle Emploi.

Je danse le rêve - Performance
Performance « Je danse le rêve »

Il m’avait demandé de parler de mon projet professionnel et de lui montrer ce qu’était la danse pour moi. En regardant la captation vidéo, le conseiller avait été très enthousiaste et encourageant « vous êtes danseuse, chorégraphe, vidéaste, bravo ». Je me souviens aussi du regard des proches. C’était touchant et à la fois le grand écart des opinions était éprouvant entre indifférence, admiration, critique technique…Mon corps montré en mouvement c’est ma nudité offerte au regard de l’autre. A cet endroit où il n’y a plus de frontières entre l’intime et le social, la qualité d’accueil de l’autre pouvait me faire à nouveau tanguer. Puis j’ai poursuivi en empruntant la voie de la performance et de l’improvisation. Ça a été une révélation, un chemin d’expression libre et infini dans l’instant. C’est celui qui me permet d’explorer la relation, à soi, à l’autre, au monde.  Cela peut paraître paradoxal, mais cette pratique de l’improvisation demande une certaine discipline : tenir le fil de la réinvention continuelle.

Récemment, j’ai repris le chemin de l’écriture pour entreprendre un projet « plus confortable » car davantage « dans mes compétences ». Sauf qu’en ne tenant pas en parallèle l’intention de la danse, l’improvisation, la performance, je lâche le fil du rêve d’une expression humaine, multiple, riche car nourrie de transdiscipline…

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« A quiet moment » – Christi Belcourt

Après tous ces rebondissements, il y a toujours certains de mes amis qui me rappellent au mouvement et à la danse. Heureux sont-ils de me faire sentir que c’est toujours dans et avec mon corps que j’aime aussi aborder la vie et ses questions liées au temps, à l’espace, la liberté, la responsabilité, le potentiel créatif… La danse embrasse tout. Un art total, infini, sensible. Aussi, à l’heure où la liberté d’opinion n’est plus réellement un soutien à la démocratie, la libération des corps serait un chemin pour renouer avec le potentiel créatif et inconditionnel de chacun.

Grâce à des partages récents emplis d’amour, je repars à nouveau, d’un pas déterminé à danser et performer. Garder le goût de la découverte, c’est ce qu’offre la pratique de l’improvisation. Cela nécessite de me risquer à l’inconnu et de m’autoriser au delà d’un regard de l’autre parfois inconfortable. Ils seront toujours présents, les risques et les regards, je ne peux y échapper. En proie à une déstabilisation à tout moment, il m’importe plus que jamais, de garder le fil vibrant du rêve au chaud, entre mes mains.

J’ai une reconnaissance infinie pour ceux qui partagent ces jours leur énergie d’amour, celle qui accueille, reconnaît et embrasse l’essence que sont nos rêves.

Et aussi, je nourris une pensée particulière pour mes ancêtres, notamment la génération de femmes qui m’a précédé, en France et en Corée…Sans aucun doute n’ont-elles jamais eu autant de liberté. Il me reste le chemin d’une vie pour l’honorer.

Gabrielle Miae Ka

 

Une réflexion au sujet de « Tenir le fil du rêve »

  1. « Tous les hommes rêvent mais pas de la même façon. Ceux qui rêvent de nuit s’éveillent le jour et découvrent que leur rêve n’était que vanité. Mais ceux qui rêvent de jour sont dangereux, car ils sont susceptibles, les yeux ouverts, de mettre en œuvre leur rêve afin de pouvoir le réaliser. » Lawrence d’Arabie
    Mis à part pour le terme « dangereux », peu approprié à tes desseins, tu es une de ses rêveuses éveillées, Gabrielle, en train de réaliser ton rêve. C’est un chemin de risque et de liberté, rare et précieux.

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