Du lien entre passé, présent et avenir, entre virtuel et réel… voici une petite histoire fraîchement vécue ce matin au cours d’une conversation avec un homme rencontré sur le marché. La rencontre m’est apparu improbable, en termes de probabilité mathématique je dirais, et pourtant ! J’y vois comme un clin d’œil : il arrive que ce que nous racontons et exprimons sur la toile web s’entrecroise, se prolonge dans les histoires du réel et vice-versa. Et cela m’incite à vous partager ce petit bout d’une conversation sans limites semble-t-il…
C’est fraîchement revenue de Corée, en cette fin de matinée d’automne brumeux, que je me rend à mon traditionnel marché du samedi. Je retrouve avec beaucoup de plaisir cette ambiance conviviale, décontractée et pleine de promesses gustatives.
Je suis en train de remplir mon panier de fruits et légumes, lorsqu’un homme m’interpelle et me parle d’un témoignage que j’ai écris sur le centre bouddhiste Dechen Chöling. Il l’a lu sur internet*. Il m’a reconnu car nous nous étions déjà parlé il y a quelques mois alors que j’étais à la recherche de figues ! Passé la phase d’un grand étonnement, je le remercie et je reprends mes esprits en lui confirmant que j’ai bien écris un article début 2018 après avoir effectué une retraite de méditation fin 2017 au centre Dechen Chöling.
Dans cet article qui fut un des premiers du blog « Les sentipensants », j’ai raconté mon enthousiasme pour cette expérience où j’ai à la fois pratiqué la méditation et l’art de la conversation ➡️ https://sentipensants.org/2018/01/09/la-meditation-la-societe-et-lart-des-conversations-qui-comptent/. La retraite visait à associer une pratique approfondie de la méditation et la réflexion autour de la transition sociétale, écologique et humaine nécessaire à notre époque. L’homme m’a partagé son intérêt pour l’approche ouverte qu’il apprécie depuis de nombreuses années dans ce centre.
Une fois rentrée chez moi, je relis et me replonge dans ce vécu. Je réalise alors que l’art de la conversation traduit toujours pour moi le potentiel du dialogue de nos ressources, de nos différences, de notre altérité (cultures orientales/occidentales, individualiste/altruiste, relation féminin/masculin, autochtone/étranger, visible/invisible, social/écologique…).
Parler de conversation ou de dialogue en ces temps de violence et de misères omniprésentes, peut paraître inconvenant, incongru, voire provocateur, presqu’un scandale. Mais à cause de cela même, cette fenêtre permet d’aller au delà de l’opposition, la résignation et la division. C’est une tierce voie qui garde l’engagement de ne pas fuir la réalité, d’y faire face grâce à nos ressources complémentaires et d’envisager de nouveaux chemins créatifs ensemble.
Au delà des apparences qui divisent ou séparent, il y a cette responsabilité qui consiste à tenir l’intention d’un dialogue créatif avec des polarités, avec ce qu’apporte l’autre même si la situation et les positions apparaissent non conciliables de prime abord. Quelques pistes issues de l’expérience :
- Accepter les difficultés et la perspective de ponts est un préalable pour dépasser des murs, des limites que le mental a créé de manière temporaire.
- Se souvenir de l’état initial de l’esprit (illustration ci-dessous avec des photos issues de la retraite) et de la source d’où nous venons tous.
- Prendre du recul et de la hauteur pour rester avec cette attention ouverte à autrui à travers un temps de silence, d’écoute à plus grand que soi.
Dans une récente interview** sur les dangers menaçant l’existence humaine, Jared Diamond utilise l’image d’une course hippique entre un cheval d’espoir et un cheval de destruction. A notre époque de confusion des valeurs, il est parfois plus facile voire plus avantageux de monter le cheval de destruction et se montrer railleur, cynique, sarcastique, désabusé, ou encore désinvolte. J’ai été et je suis d’ailleurs régulièrement raillée voire « bombardée » dans différentes sphères, intimes ou sociales (dans le passé dans la sphère politique et associative), pour défendre ce cheval d’espoir, cette voie de dialogue créatif des ressources. Je persiste sauf lorsque l’autre perd la forme du respect et s’attache d’abord à juger la personne sans prendre soin de la relation, de l’entre, du bien commun.
Le courage d’affronter et de continuer cette perspective de résilience me vient, je crois, de mon désir de solidarité envers les souffrants passés et présents ainsi que vis-à-vis de ceux qui vont venir.
C’est peut-être plus facile pour moi d’inciter au dialogue, à la créativité sous toutes ses formes, ainsi que d’accepter tout le monde dans sa diversité car j’ai subi la violence des émotions non maîtrisées, du silence, du statut quo, de l’absence de lien, de la séparation, de la lâcheté, des formes de domination abusives, des discriminations sociales, racistes et sexistes dans ma vie quotidienne. Aujourd’hui je m’en sers comme une force pour libérer le potentiel créateur inhérent à mon existence humaine.

Habiter une terre de résilience solidaire où les humains redessinent le monde par un dialogue conscient de leurs limites et leurs ressources, voici un cher souhait… et ma lumière dressée face à l’ombre.
En attendant d’écrire la suite de cet article, je vous laisse sur le son doux de Nessi Gomes « All Related ».
– Miae Ka
24 novembre 2018
*Article introduisant le témoignage de mon expérience à Dechen Chöling « Méditation et bonne conversation » https://www.dechencholing.org/fr/meditation-et-bonne-conversation/
**Article du Monde publié le 22 novembre 2018 « Jared Diamond : « Quatre dangers menacent l’existence humaine« .
**Pour prolonger, un article de la revue Ballast explore les regards croisés d’Albert Camus et de Miguel Benasayag sur cette perspective de « Comment maintenir le conflit, dont on sait qu’il est inévitable, sinon profitable, sans aller sur le terrain de la violence physique ? Là encore, les deux hommes semblent s’entendre sur ce qui pourrait prendre la forme d’une troisième voie, en tension entre violence et non-violence : la création et le dialogue.«
Joie de découvrir ce jour même le travail de Margie Gillis avec ses « Lessons from nature » où elle y parle de ce qu’elle a appris dans sa recherche en dansant dans et avec la nature : la résilience, être avec l’instabilité, résister aux obstacles…et dans l’épisode 5 un vrai clin d’oeil à mon article « expressing trough me my rage, my greaving, my frustration and use that energy in a powerful and reflective healthy way as opposed to a destructive way »https://vimeo.com/55568237
Sous la peau (titre du photo montage « Peau de clémentine » où j’ai mixé un selfie et une peau de clémentine!), nous serions comme un fruit tendre et juteux ? https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10155613085186116&set=p.10155613085186116&type=3&theater