Vivre l’expérience d’une boule à zéro (à 4 millimètres en vrai ! ), c’était inimaginable il y a quelques temps, à la fois un rêve et un cauchemar. En réalité, ça n’a rien d’un rêve ou d’un cauchemar, c’est une expérience initiatique du dépouillement que je renouvelle depuis un an maintenant. Peut-être la dernière alors j’ai envie de partager le processus.

Les cheveux sont comme un habit qui irait de soi pour une femme. Mais qui suis-je avant d’être une femme ? Qui suis-je lorsque mon apparence a tellement changé que je prends un temps à chaque fois pour faire et refaire connaissance ? C’est bouleversant d’amour ces questions, enfin surtout les réponses ! Il y a aussi le simple état de sentir la vie qui pousse sur sa tête c’est réjouissant de faire corps avec le processus de pousse. Le mouvement de vie prend forme sans aucune volonté humaine, c’est bon de se le remémorer et de le reconnaître pour pouvoir mieux l’écouter…
En avril, mon amie Fabienne a immortalisé cette boule à zéro en photo alors que j’étais en plein exploit footballistique. Puis elle m’a fait la farce de me maquiller avec un logiciel pour me parer d’ailes de papillon. Oh oui quitter l’image de l’artiste à l’image bien lêchée, ça fait du bien, merci !
Ce mouvement m’amène à un nouveau choix linguistique : artiste « de la Terre » « Earth artist » plutôt que performeure ou artiste effectuant des performances. En France, le mot « performance » est majoritairement compris dans un sens qui est à contre-temps du sens que j’y mets. Cette représentation imaginaire et culturelle de ce mot englobe un concept lié à une dimension « spectaculaire », qui réalise une démonstration techniquement ou esthétiquement « remarquable ». Or j’exerce une pratique artistique non pour démontrer quelque chose à un public mais pour inviter à vivre ensemble, avec le langage du corps et des corps de la Terre, l’intangible dans le tangible. C’est une « performance » au sens où l’expérience est unique, sans contrôle, avec maîtrise, non reproductible, singulière, dans un espace temps spécifique et situé. Un ami nomme cet art le « Tot Art ». Un autre me parle du courant de « l’art total ». Je vois apparaître aussi « artiste somatique » (pratiques pour sentir son corps en mouvement). Cela me correspond, mais est-ce que cela parle au tout venant ?

Peu importe les étiquettes pourriez-vous me dire ? Je répondrai : puissent-elles le temps de les porter, nous libérer des représentations dominantes et avilissantes, en offrant le verbe et l’art à ce qu’il est à nos yeux, nos esprits, en nos coeurs et nos actes.